Chant choral

Je pratique le chant choral depuis plus de vingt ans. Je présente ici une collection de pièces du répertoire du choeur "Les voix du Large" de Gaspé et d'autres pièces parmi mes préférées.


L’Albatros – Charles Baudelaire (1821-1867), Patrick Le Mault (1948-)

vol de l'albatros au soleil couchant

La pièce musicale

Avant d’être une chanson, l’Albatros est d’abord un poème de Charles Baudelaire, issu de la section Spleen et Idéal de la deuxième édition (1861) de son recueil Les fleurs du mal. La musique est de Patrick Le Mault, un directeur de chorales et compositeur français contemporain.

Outre la composition pour choeur de Le Mault, l’Albatros a été mis en musique par Ernest Chausson (1879), Léo Ferré (1967) et Ana-Maria Bell (2009).

Le poème de Baudelaire

L’Albatros (Baudelaire, 1859)

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Signature de Beaudelaire

La génèse de ce poème remonte à 1841. Le jeune Baudelaire, alors âgé de 20 ans, a un comportement désinvolte qui déplaît à son beau-père, le chef de bataillon Jacques Aupick. Souhaitant que cela puisse corriger son inconduite, il le contraint à embarquer à bord d’un navire qui se dirige vers Calcutta. Contrairement à d’autres intellectuels de son époque qui entreprennent de tels voyages pour découvrir de nouveaux horizons, Charles Baudelaire détesta son expérience et ne s’intégra pas à l’équipage. À tel point qu’il quitta prématurément le navire lors d’une escale à l’Île Bourbon (maintenant La Réunion).

Au cours du voyage, il eût l’occasion d’observer la pratique de la chasse à l’albatros, un des passe-temps favoris des marins au long cours. Ceux-ci considéraient l’albatros comme un oiseau malfaisant. Les différentes parties de l’oiseau servaient de matière première pour la confection de divers objets. Dans son poème, Baudelaire évoque le traitement que la société inflige au poète. Auto-représentation allégorique, l’oiseau capturé, ridiculisé et maltraité incarne l’artiste incompris et rejeté.

Bien que figurant parmi les poêmes les plus connus de Baudelaire, certains critiques estiment que L’Albatros n’est pas représentatif du génie poétique baudelérien. On lui reproche de présenter trop explicitement la comparaison entre l’oiseau maltraité et le poète bafoué.

L’auteur, le poète Charles Baudelaire

Charles Beaudelaire
Charles Beaudelaire alors âgé de 26 ans.
Gastave Courbet, 1848. Musée Fabre, Montpellier

Charles Pierre Baudelaire naît le 9 avril 1821 dans l’ancien XIème arrondissement de Paris. Sa mère, Caroline Dufaÿs, a vingt-sept ans. Son père, Joseph-François Baudelaire, né en 1759 en Champagne, est alors sexagénaire. Quand il meurt en 1827, Charles n’a que cinq ans. Cet homme lettré, épris des idéaux des Lumières et amateur de peinture, peintre lui-même, laisse à Charles un héritage dont il n’aura jamais le total usufruit.

Un an après la mort de son père, sa mère se remarie avec le militaire Jacques Aupick. C’est à l’adolescence que le futur poète s’opposera à ce beau-père interposé entre sa mère et lui. Peu fait pour comprendre la vive sensibilité de l’enfant, l’officier Aupick — devenu plus tard ambassadeur — incarne à ses yeux les entraves à tout ce qu’il aime : sa mère, la poésie, le rêve et, plus généralement, la vie sans contingences.

Charles a un parcours scolaire ponctué par des changements d’établissements et des difficultés de toutes sortes. Il obtient malgré tout un premier prix de vers latins en classe de seconde (secondaire 5). Il termine le lycée et passe le baccalauréat en 1839.

En juin 1841, sous l’ordre de son beau-père, il embarque sur le Paquebot des Mers du Sud, direction Calcutta. Il revient en France, à Bordeaux, en février 1842 sur un autre bateau, l’Alcide. Il fût profondément marqué par ce voyage qui éveilla chez lui le goût d’un exotisme qui imprègne toute son oeuvre.

De retour à Paris, Charles s’éprend de Jeanne Duval, une jeune comédienne métisse de Saint-Domingue, avec laquelle il connaît les charmes et les amertumes de la passion. Cette liaison va durer près de vingt ans, malgré les trahisons et les mensonges de cette femme. Elle représente pour lui tout le côté satanique de l’amour.

Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire
Jeanne Duval représentée sur ce tableau intitulé La Dame à l’éventail ou La Maîtresse de Baudelaire.
Édouard Manet, 1862. Musée des Beaux-Arts de Budapest.

En dandy, Baudelaire a des goûts de luxe. Ayant hérité de son père à sa majorité, il dilapide la moitié de cet héritage en 18 mois. Il est placé sous tutelle et touche alors des revenus limités, ce qui l’obligera à travailler. Cette situation infantilisante lui inflige une telle humiliation qu’il tente de se suicider.

Il mène une vie dissolue. Il commence alors à composer plusieurs poèmes des Fleurs du mal. En 1843, il découvre les « paradis artificiels » dans le grenier de l’appartement familial de son ami Louis Ménard, où il goûte à la confiture verte (le hachisch). Cette expérience le fascine mais engage chez lui une réflexion morale sur la création qui aboutit à une condamnation des drogues. Son usage de l’opium durera plus longtemps. Prescrit en 1847 pour combattre les maux de tête associés à la syphilis dont il est affecté. Croyant ainsi y trouver un adjuvant créatif, il en décrira les enchantements, les tortures et la stérilité.

Grâce au recueil Les fleurs du mal en 1857, Beaudelaire occupe une place prépondérante parmi les poètes français du milieu du XIXème siècle. Période charnière entre romantisme et modernité, il est au coeur des débats sur la fonction de la littérature de son époque. Cependant, il se voit reprocher son style d’écriture et le choix de ses sujets. Il n’est compris que par certains de ses pairs, dont Victor Hugo. Le Figaro critique sévérement son recueil :  » … la répétition monotone et préméditée des mêmes choses, des mêmes pensées. L’odieux y côtoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect « .

Il meurt à l’âge de 46 ans, à la suite d’une longue période d’aphasie et des suites de sa syphilis.

Interprétation de la pièce L’Albatros par le choeur Scherzo de Macon. Direction Henriette Adler, 2019 .

Sources

Wikipedia



Laisser un commentaire