
Le texte
Les paroles de la chanson Noël à Jérusalem ont été composées par Jacques Demarny (1925-2011) en 1968. Demarny est un auteur et parolier français prolifique. Il a composé des chansons pour de nombreux chanteurs populaires dont Tino Rossi, Georges Guétary, Gérard Lenorman, Daniel Guichard et Enrico Macias.
Noël à Jérusalem
1.Noël à Jérusalem, près d’un mur que l’on croyait perdu
Un homme à genoux est là, il pleure à côté de moi
Et lève les yeux en remerciant le ciel.
2.Noël à Jérusalem, les pieds nus aux portes des mosquées
Ils sont des milliers qui viennent pour y déposer leurs peines
Le visage à terre jusqu’à la nuit tombée.
3.Ces mains qui prient au même instant ici
N’ont-elles pas la même ferveur ?
Les hommes auraient-ils oublié aussi
Que c’est Dieu qui fait battre leur cœur ?
4.Noël à Jérusalem, c’est aussi l’enfant de Bethléem
Et le pèlerin guidé par l’étoile du berger
Cherche la maison de sa nativité.
5.Noël à Jérusalem, c’est le monde au pied de l’éternel
Qui vient implorer son nom et lui demander pardon
De s’être égaré loin des chemins du ciel.
6.Pourtant il suffirait de voir un jour s’élever dans une prière
Le cœur de trois hommes éperdus d’amour
Pour changer la face de la Terre.
7.Noël à Jérusalem, près d’un mur que l’on a retrouvé
Un homme à genoux m’a dit « tout est changé dans ma vie
Car Jérusalem est de nouveau sur terre ».
8.La première ville bénie à qui le Seigneur a dit
« Je ferai ici mon plus merveilleux Noël, à Jérusalem ».
Jacques Demarny, 1968
Dans cette chanson, Enrico Macias évoque le fait que Jérusalem est une ville sainte des trois grandes religions monothéistes : le Christianisme, le Judaïsme et l’Islam.
Les juifs sont les premiers à remarquer les atouts géographiques de ce lieu. Le roi David décide d’y fonder sa cité au Xe siècle av. J.-C. Son fils Salomon a pour mission d’élever le premier temple de pierre sur la plus haute colline, en l’honneur du Dieu d’Israël, Yahvé. Mouvementée par les conquêtes grecques puis romaines, la capitale juive s’est trouvée bientôt détruite à partir du Ier siècle av. J.-C. La population juive y est interdite. Elle garde toutefois en mémoire le souvenir d’une ville, berceau de la religion du roi David. Malgré l’absence du temple, les juifs jetés aux portes de la ville bénissent quotidiennement Jérusalem dans leurs prières.
Du côté des chrétiens, la ville de Jérusalem apparaît à plusieurs reprises dans la Bible, notamment dans l’Évangile de Saint Jean. Jésus s’y rend pour la fête de la Pâque et y vit ses derniers jours sur terre, jusqu’à sa crucifixion et sa résurrection. C’est l’empereur chrétien, Constantin, qui le premier, a érigé les premiers lieux saints en souvenir des derniers jours du Christ. La ville devient alors au IVe siècle une ville de pèlerinage pour les chrétiens.
Chez les musulmans, Jérusalem n’est mentionné qu’en troisième position dans la hiérarchie des villes saintes, après Médine et La Mecque. Avant de se tourner vers La Mecque pour prier, le prophète Mahomet dirigeait ses prières vers Jérusalem. C’est d’ailleurs de là que le prophète aurait effectué son « voyage nocturne » vers le ciel avant de revenir à La Mecque pour raconter cette expérience mystique. Pour les musulmans, Jérusalem représente l’aboutissement de leur spiritualité.
Dans le premier paragraphe de la chanson, le mur que l’on croyait perdu évoquerait le « mur des Lamentations » que les juifs désignent plutôt par le « Mur occidental ». Il s’agit d’une partie du mur de soutènement de l’esplanade du Temple de Jérusalem, situé dans le quartier juif de la vieille ville de Jérusalem. Après l’érection de la cité romaine d’Ælia Capitolina, conçue pour effacer le souvenir de Jérusalem, et l’exclusion des Juifs de celle-ci, ils sont autorisés contre paiement à se rendre un jour par an au pied du mur pour se lamenter sur la destruction de la ville. Considéré dans la tradition musulmane comme le lieu où Mahomet parque sa monture, il est intégré au VIIe siècle aux murs d’enceinte de l’esplanade des Mosquées lors de la construction du dôme du Rocher puis de la mosquée al-Aqsa. Il est, selon la tradition juive, redécouvert après avoir été enseveli sous un monceau d’ordures. Durant deux millénaires, les juifs ont pleuré devant ce mur la ruine du Temple, la perte de leur liberté et l’exil des enfants d’Israël.
Dans le second paragraphe, on évoque le rassemblement des musulmans pour la prière aux portes du dôme du Rocher et de la mosquée al-Aqsa. Le dôme du Rocher a été construit pour couvrir le Rocher de la Fondation, soit le lieu même où, selon la mythologie musulmane, Mahomet s’est élevé vers le ciel sur sa monture lors de son voyage nocturne qu’il avait entrepris à la Mecque. Dans la tradition juive, ce rocher est le mont Moriah, le massif montagneux sur lequel, d’abord, Abraham monta avec son fils Isaac afin de l’offrir à Dieu en holocauste, puis sur lequel sont bâtis successivement les Temples de Jérusalem (le Temple de Salomon et le temple dit « d’Hérode »).
Le troisième paragraphe évoque à mon sens la profonde absurdité de la haine entre ces deux peuples dont l’histoire, la religion et la mythologie gravitent autour des mêmes lieux, qui prient un dieu unique, avec la même ferveur. Ne sont-ils pas essentiellement … les mêmes ?
Le quatrième paragraphe évoque la présence des chrétiens, sur les lieux saints, en route vers Bethléem, lieu de naissance de Jésus.
Enfin, les quatre derniers paragraphes sont un appel à la paix des Hommes, toutes religions confondues.

Le compositeur
Enrico Macias, son nom véritable est Gaston Ghrenassia, est né en 1938 à Constantine en Algérie. Il est juif séfarade.
Il apprend à jouer de la guitare en autodidacte à l’âge de 8 ans. Son père est violoniste dans l’orchestre de Cheik Raymond, considéré comme le plus grand interprète de la musique classique arabo-andalouse. Le jeune Gaston, talentueux, se joint à l’orchestre de Cheik Raymond dès l’âge de 15 ans. Puis, il s’initie à la chanson tout en devenant instituteur à l’éducation nationale.
En août 1961, Cheik Raymond est assassiné par le FLN (mouvement indépendantiste algérien). Le jeune Gaston et sa famille doivent quitter l’Algérie à la hâte. Les juifs sont en danger car ils sont soupçonnés de soutenir le maintien du lien colonial avec la France.
Installé en France avec sa famille, Gaston fait des apparitions à la télévision puis devient célèbre avec sa chanson Adieu mon pays qui devient le symbole de l’exil des Pieds-Noirs. C’est alors qu’il adopte le nom de Enrico Macias. Il chantera partout dans le monde et connaîtra la célébrité.

Sources
- Encyclopédie Wikipedia
- Journal Le Monde – Enrico Macias : « J’ai voulu me guérir de la musique perdue de mon pays »

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